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ROCK'N GAUME

L'ACTU ROCK EN PROVINCE DE LUXEMBOURG

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INTERVIEWS

17/09/10

HÉAUTONTIMOROUMÉNOS

En guise d'introduction, comment pourriez vous présenter le groupe, en quelques mots ?

Sofian (guitare, voix, effets) : J'ai commencé à jouer avec Max quand on a commencé la musique. On a toujours voulu faire des compos, travailler ensemble. Et puis on a rencontré Gaël, après de multiples essais, plutôtb as niveau. Avec lui, on a réussi à trouver une certaine cohérence, et puis on a monté ce projet là. On fait un peu notre truc à nous, un peu personnel, en mélangeant toutes les influences qu'on a. Voilà, on est trois, on essaye de faire le maximum de son, de créer de l'ampleur avec ce qu'on a.

Hier, j'ai vu votre deuxième concert, donc c'est relativement jeune. Pourtant, j'ai senti qu'il y avait beaucoup de cohésion entre vous. Beaucoup d'écoute, et d'attention. Qu'est-ce qui se passe entre vous pour obtenir ça ? Généralement, lors des débuts, c'est moins en place…

Gaël (batterie) : D'abord, ce n'est pas de la musique carrée, c'est pas du 4/4. Donc, on est obligé de se regarder tout le temps, pour savoir si il faut partir sur un autre rythme…

S : C'est pour ça que tu n'as peut-être pas beaucoup vu ma tête pendant le concert. J'aime bien le principe de jouer en triangle, histoire de se regarder. Ça crée un truc, une espèce de lien.

Maxime (basse) : J'ai un très bon feeling avec mon petit ami…

S : Oui, on a commencé tous les deux ensemble, donc on sait très bien ce que l'autre recherche, on écoute beaucoup la même musique, on fait découvrir des trucs à chacun… On est un peu dans le même univers, et on essaye de tirer… (Il regarde Gaël) … Le petit kikoo lol, là, on essaye de le tirer un peu avec nous dans notre truc, et ça prend bien. Il écoute des trucs plus basiques, entre guillemets, plus classiques. Mais ça donne une certaine cohésion, un coté plus pop qu'on peut trouver sur certains passages, et qu'on ne retrouve pas dans des styles un peu scabreux… Et on essaye de pousser la démarche.

Scabreux. J'aime bien le terme, de même que « kikoo lol », ce sera joli à mettre par écrit. Donc, il y a en commun un même amour pour certains styles musicaux, ou en tout cas une certaine approche de la musique.

S : Avec Max, niveau approche de la musique, on s'entend bien là-dessus. Gaël en a une différente, mais il y a une espèce de cohésion qui se fait comme ça.

M : Lui et moi, on est dans le même monde…

S : En tout cas, musicalement, ouais !

A Gaël : Et donc, ils t'ont un peu tiré…

G : Je n'écoutais pas du tout leur style musical.

S : Il en a chié !

G : Je me suis mis petit à petit à écouter ce que eux écoutent, et puis finalement… The Mars Volta, par exemple, c'est un groupe que maintenant j'aime bien, mais que je ne connaissais pas du tout. J'essaye de… Ils aimeraient bien que ce soit un peu dans le même style, en tout cas au niveau batterie.

S : Il y a encore plein de choses, hein !

G : Par rapport à ce que je jouais avant, j'ai appris de nouvelles choses.

M : Oui, il a bien progressé depuis qu'il a commencé à jouer.

Il y a un an, c'est ça ?

S : Oui. Et c'est bien, parce que ça nous permet de rester un peu terre à terre, et pas de partir dans des trucs qui deviennent inécoutables. Avec ce coté rock pop, je trouve que ça donne quelque chose qu'on ne retrouve pas forcément partout, et qui est intéressant.

Quand j'ai écouté les enregistrements, je me suis demandé comment vous faisiez, à trois. Parce qu'il y a beaucoup de couches, d'effets, de superposition. Donc je me suis dit que vous deviez avoir un truc, pour reproduire ça en répète et en live. Et en fait, oui, vous avez un truc…

M : C'est une question pour Sufjan.

S : En général, c'est moi qui superpose tous les trucs. L'idée des morceaux, on ne peut pas la retranscrire totalement en live. En studio, j'essaye de mettre le maximum de choses que j'ai en tête, mais que je ne peux pas faire en live. Et encore, on n'a pas eu beaucoup de temps, on a enregistré ça en trois jours. Donc on joue beaucoup sur les overdub, et on ne réfléchit pas au nombre de piste. On avait des chiées de piste de guitare pour la démo, qui a bien amusé notre ami Doudin, l'ingénieur.

Du coup, en concert tu fais comment ?

S : Et bien, en live, on fait comme on peut, j'essaye de sortir le maximum avec la loop, les delays, la voix… On essaye d'en mêler le plus possible, pour avoir une musique bien riche. C'est pour ça que je suis tout le temps en train de toucher aux pédaliers…

C'est pas courant, dans le rock, la technique du loop. Je l'ai entendue plein de fois dans de bons concerts, elle est intéressante, elle amène des choses…

S : Oui, c'est clair. Ça m'a permis d'approcher la musique différemment. Quand tu joues tout seul dans ta chambre avec ta guitare, si tu as une loop, tu vas complètement jouer différemment. A force de superposer, tu peux créer des ambiances. Si tu as une simple guitare, tu ne peux pas. Ça te fait voir les choses différemment, d'essayer d'incorporer ça dans  le rock, dans des morceaux qui ne tournent pas en rond, qui partent un peu dans tous les sens… C'est ça qui est intéressant.

Du rock progressif, psychédélique, noise, déstructuré, c'est pas vraiment courant dans la région. Est-ce que vous avez l'impression de vous démarquer ?

G : Dans la région, oui. Il y a beaucoup de groupes de punk, de métal.

M : Oui, il n'y a pas beaucoup de style différent. Sans prétention, mais il me semble qu'on sort du lot complètement. Enfin, pour moi.

S : On a envie de faire une musique personnelle et vivante, on n'essaye pas de recopier les standards et d'en faire une déclinaison… Enfin, si, c'est une déclinaison, mais de plein de choses, il y a du prog rock, il y a des groupes plus alternatifs de Bruxelles qui nous ont vachement influencé, genre Zoft, Vitas Guerulaetis, et aussi des trucs plus mainstream, plus connus. On essaye de mélanger plein de choses, mais de ne pas partir d'un style, d'un standard, et de décliner, parce que ça vit peut-être moins et que ça n'a plus trop de sens.

Donc l'impression, c'est que dans la région, on est plutôt sur des standards, des choses plus… Enfin, je ne vais pas dire des trucs qui passent à la radio parce qu'on parle tout de même de rock dur, mais…

S : Ça m'arrive rarement, dans des concerts du coin, d'être étonné. Je trouve que c'est important, en concert, d'arriver et de se prendre une baffe… On aimerait bien faire quelque chose qui soit… Enfin, qu'au moins le gens regardent et se disent, tiens, c'est intéressant, même si j'aime pas, ou que c'est pas mon style. C'est clair qu'il y a une volonté de se démarquer un peu. Ça vient de ce qu'on écoute aussi, mais finalement on écoute plein de choses. Du métal, du punk… Tout ça rentre dedans, comme les autres.

Malgré ça, ce style musical, assez pointu, pourrait être une force…Je pense qu'il s'adresse a des gens qui justement ont tendance à se déplacer pour aller voir des concerts, ce sont des passionnés, qui on envie d'entendre des choses qu'ils n'ont pas l'habitude d'entendre.

S : Je crois que c'est plutôt sur Bruxelles, que ça bouge à ce niveau là. Maxime et moi y avons vécu tous les deux un an, ça nous a pas mal ouvert l'esprit. On s'est rendu compte qu'il y avait beaucoup de concerts, même dans des bars, où tu peux être sur le cul pendant quarante minutes parce que c'est super intéressant…

Vous avez envie d'essayer de contacter des gens là-bas, s'il n'y a pas assez de relais ici ?

S : L'idée de faire venir ces groupes (Héautontimorouménos organise une soirée concert à l'Entrepôt le 4 décembre), est de se faire un contact, de pouvoir discuter avec eux. C'est aussi une façon de créer un lien avec cette scène-là, qui nous intéresse beaucoup. J'ai l'impression qu'on aura plus de chances là-bas de trouver des dates, de s'intégrer dans le machin. Il n'y a pas d'alternative comme celle-là ici.

Peut-être, mais il y a tout de même des groupes qui se démarquent… Je pense par exemple à Patton, qui a signé sur le label Matador, même si c'est plus orienté post rock, moins psychédélique que vous… Mais c'est clair qu'il y a des groupes rock alternatifs issus de la région, même s'ils font peut-être ça ailleurs maintenant.

S : Oui peut-être… On ne les a pas connus, eux. Ceci dit, clairement, que ce soit ici ou là-bas, on demande à découvrir des choses.

Ok. On va rentrer dans des termes un peu plus techniques… C'est quoi, la musique mathématique ?

S : La musique mathématique… En soit, la musique, c'est de toutes façons mathématique. Ici, c'est la démarche de tordre les rythmes… On doit compter, tout bêtement. Mathématique, on compte.

D'accord. Donc, ce ne sont pas des opérations, des algorithmes…

S : Non, non ! On ne calcule pas notre musique en faisant des trucs… D'ailleurs, les deux premiers morceaux de la démo sont pas si asymétriques que ça, même si je pense que le groupe va s'orienter vers quelque chose de plus "mathématique". Comme nos deux dernières compos justement. Les temps sont différents, ça nous amuse. On trouve ça plus gai, c'est plus marrant

Du coup, en live ça doit être un peu prise de tête ?

S : Oui, c'est prise de tête, mais c'est ça qui est agréable.

Qu'est-ce qui vous plait dans ces ruptures, ces structures cassées ? Souvent, vous entamez une mélodie accrocheuse et puis vous la balancez, pour enchaîner sur du « bruit », entre guillemets car moi aussi, j'adore ce travail sur les ambiances.

S : J'ai l'impression que c'est quelque chose qui est censé, aujourd'hui. Ça fait vivre ta musique. Il n'y a rien qui est harmonique, qui tourne bien tout le temps, sans cassure. En vrai, ça n'existe pas. Pour moi, si tu veux créer quelque chose de vivant, il faut que ça évolue, ça ne peut pas rester figé. Maintenant, j'adore certains trucs plus pop, mais l'approche avec le groupe ne va pas vers ça. Faire une musique vivante, un peu torturée, dans l'esprit de l'Héautontimorouménos. C'est peut-être personnel, mais d'un point de vue psychologique, passer d'une idée à une autre, c'est quelque chose qui peut être ressenti par plein de gens. Aujourd'hui, il y a Fantomas, John Zorn, tous ces trucs qui partent en couille… Un riff, puis un autre… Pour moi, ça fait sens, dans ma vision de la musique, donc on l'a incorporé... Enfin, peut-être que Gaël est moins d'accord avec nous, même si c'est amusant à jouer.

(A Gaël :  ) Tu t'es dit, au début, « qu'est-ce que c'est que ce truc ? »…

Gaël : Au début, je n'étais pas vraiment dedans, ça passait, mais sans plus.

Qu'est-ce qui t'a séduit, alors ?

S : Pas moi, parce que je lui casse les couilles !

G : Je ne sais pas, j'ai écouté un peu plus de musique dans leur style, et finalement ça m'a plu. Puis j'avais envie de changer un peu, de varier. Il faut écouter des choses différentes pour évoluer, ce n'est pas en restant fixé sur un style qu'on va progresser. Et puisque maintenant, le leur me plait…

Question piège. Est-ce que vous faites de la musique structurée, ou déstructurée ?

S : J'aime le chaos organisé.

Est-ce qu'on peut parler de musique expérimentale, pour qualifier ce que vous faites ?

S : Pour moi, les fruits des expériences, ils arrivent dans les compos du groupe. L'expérimental, c'est beaucoup moins audible que ça. Bidouiller, tout ça, c'est toujours intéressant, mais ça doit amener à quelque chose qui a du sens. L'expérimental, parfois c'est juste des essais ! Maintenant, pour les ambiances, j'expérimente plein de trucs, puis si je m'aperçois que ça sonne, on va peut-être le réutiliser. Ecouter de l'expérimental, il y a des phases où j'adore, mais des fois je trouve ça chiant. Donc, le groupe n'est pas « expérimental », mais il y a des apports.

Bien, merci. Juste une dernière question. Puisqu'il ne fallait pas croire que vous alliez y échapper, c'est quoi, ce nom de groupe ?

M : On ne voulait pas expliquer à la base… Que chaque fois qu'on nous le demanderait, on répondrait n'importe quoi, qu'on a pris du LSD, que c'est le nom d'un dinosaure qu'on a inventé… Mais à toi, on peut te le dire (rire).

Vous ne me l'avez pas dit, mais je sais que c'est le nom d'un poème de Baudelaire.

S : Voilà, lis le poème, c'est assez cohérent. Ça renvoie à une certaine approche. En fait, il y a de la littérature qui influence un peu l'approche qu'on a de la musique.

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Post? par Nicolas