Avec CrushP, les surprises commencent déjà avant le concert. Sitôt arrivé dans la brasserie, où ils vont effectuer leur toute première prestation live, on ne peut qu'être étonné par l'arsenal déployé par le groupe. Pour l'occasion, celui-ci a amené ses propres éclairages, les guitares en attente sont nombreuses, les pédaliers sont imposants : en fait, la petite scène aura rarement été aussi bien garnie, et l'ensemble parait surprenant pour un groupe qui fait ici ses premiers pas sur scène. Manifestement, CrushP ne vient pas pour la figuration et entend proposer un show peaufiné, vous m'en voyez ravi. Les voici, ils sont trois sur scène (Aurélien, Julien et Thomas, derrière batterie, guitare et pianos), mais un comparse (Jérôme) les accompagne derrière la régie (sono et sampling).

Le set s'entame sur des notes de piano et sur le son étrange et caractéristique d'une guitare magnétisée par un ebow. L'atmosphère est jolie, mais sombre, bientôt rythmée par des coups de grosse caisse qui m'évoquent les battements d'un cœur. Je me laisse captiver. Après avoir clôturé en douceur cette introduction, CrushP  entame un premier morceau, orienté rock progressif et psychédélique. Celui-ci durera pas loin d'une dizaine de minutes, le ton est donné, on est évidemment bien loin des formats radiophoniques et les mélodies s'étendent sur des dé/structures alternatives et travaillées. En effet, le groupe cultive un certain souci du détail. Par exemple, ils ont préféré l'emploi d'oreillettes à celui d'enceintes de retour, sans doute afin de contrôler leur son au maximum. Il y a aussi le sens de la mesure, au propre (la section rythmique s'en va fréquemment lorgner hors des chemins classiques 4/4, il y a des ruptures, des mesures syncopées) comme au figuré (les guitaristes retiennent leurs notes, prennent garde à leur niveau sonore pour qu'un délicat équilibre entre les instruments s'installe). CrushP réussit à placer une grande partie de son auditoire dans sa « bulle », grâce à une musique empreinte de beauté, mais aussi grâce au renfort des effets de lumière imposants, qui renforcent le coté psychédélique et qui semblent avoir été réfléchis pour chaque morceau : en effet, chaque composition se voit accompagnée d'un travail visuel propre et plutôt réussi, même si, dans une si petite salle, ils peuvent paraître disproportionnés. A l'entame d'une nouvelle composition, un guitariste choisit l'archet pour faire vibrer les cordes, ici, le résultat prend une texture plutôt post rock. En fait, même s'il y a eu peu de morceaux (ceux-ci étaient plutôt longs et le concert aura duré une demi-heure), il est agréable de constater que CrushP, tout en gardant une même approche de sa musique, à su explorer des techniques et genres différents. Ainsi, l'une des compos prendra une teinte plus agressive et garage, tandis que le morceau final (très réussi)  s'ornera d'une guitare aux accents hispaniques. Tout au long du set, le travail des effets a renforcé cette impression de promenade à travers les ambiances. Un peu sombres et chargées de sentiment pas forcément heureux, ces mélodies savent trouver de la chaleur et de la vie dans ces arrangements, auxquels CrushP a apporté beaucoup de soin.

Malgré le peu de chant (rien d'exceptionnel à en dire, bien posé, pas virtuose mais juste) et des structures un peu longues et linéaires, le set de ces nouveaux venus est resté captivant de bout en bout, c'est donc une très belle réussite. J'apprécie beaucoup de voir cette formation émerger dans le paysage musical du coin, et dans le paysage musical tout court : CrushP semble receler les atouts pour « aller se faire entendre ailleurs ». Ma critique est louangeuse, c'est vrai, mais chercher des poux à un groupe qui livre ici son premier concert, et ce avec beauté et intelligence, ne fait pas partie de mes centres d'intérêt, je vous laisse donc sur mes impressions enthousiastes quant à ce groupe indéniablement prometteur et talentueux. Longue vie à CrushP !